9. mai 2025 de Dennis Woyke
openEHR (partie 1) : une norme pour l'informatique hospitalière de demain
Les hôpitaux suisses sont confrontés à un important défi : des systèmes informatiques et d’information hospitalier (SIH) obsolètes rigides, qui rendent l’intégration des données difficile. Ces dernières restent souvent inaccessibles, ce qui freine les efforts de digitalisation. openEHR offre une solution à ce problème : une norme ouverte pour des données de santé structurées et connectables en réseau. Dans cette première partie de cette série de blogs en deux volets, j'explique en quoi consiste openEHR, comment il fonctionne et pourquoi il présente un intérêt pour nos hôpitaux. Continuez votre lecture et découvrez en quoi openEHR constitue une véritable solution d'avenir.
En Suisse, les systèmes informatiques des hôpitaux sont souvent obsolètes et les données sont stockées dans des formats propriétaires difficilement accessibles et peu compatibles entre eux. Les SIH jouent ici un rôle central. Ils déterminent comment les données sont collectées, stockées et utilisées. Cela entraîne divers problèmes : les données restent enfermées dans des « silos », le passage à un nouveau système s’avère coûteux et complexe, et les systèmes supplémentaires tels que les systèmes de laboratoire ou d'imagerie doivent être spécialement adaptés au SIH. Cette dépendance et ce manque de flexibilité freinent considérablement la digitalisation du secteur de la santé. Cela complique les innovations telles que l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) ou l'échange fluide de données entre différents acteurs.
Et les conséquences sont visibles : le personnel médical passe souvent plus de temps à compiler des données provenant de différents systèmes qu’à se concentrer sur les soins aux patients. Cela conduit à de la frustration et à des flux de travail inefficaces. La recherche et le développement en pâtissent également : en raison du manque de structure et d'accessibilité des données, leur utilisation pour les études médicales est limitée. À cela s'ajoute la pression financière : les hôpitaux sont liés à des solutions coûteuses. Tout changement de système nécessite d’importants investissements sur le plan de la migration, des interfaces et de la formation. À une époque où les soins de santé dépendent de plus en plus des données, que ce soit pour la médecine personnalisée ou la coordination de plans de traitement complexes, cette situation n'est plus tenable.
La solution : openEHR
C'est là qu'intervient openEHR, une norme internationale pour les dossiers de patient informatisés (DPI). L'objectif d'openEHR est de rendre les données cohérentes, flexibles et compatibles avec le réseau, quel que soit le système utilisé. La différence décisive par rapport aux approches existantes réside dans la séparation entre les données et leur représentation. Les informations cliniques sont enregistrées dans des modules standardisés appelés archétypes. Un archétype définit quelles données appartiennent à un concept clinique donné. Prenons l'exemple de la mesure de la tension artérielle : l'archétype « tension artérielle » définit les valeurs systolique et diastolique qui doivent être enregistrées, y compris les plages de valeurs autorisées et les unités. Cette structure de données reste toujours la même, quel que soit le système qui enregistre les valeurs. Les modèles, quant à eux, déterminent la manière dont ces données sont présentées, par exemple sous forme de tableau dans un rapport médical ou de diagramme pour le personnel soignant.

Un exemple pratique
Imaginons un cas concret. Un médecin mesure la tension artérielle d'un patient. Les valeurs sont enregistrées dans le SIH dans un format spécifique au fabricant, que les autres systèmes ne peuvent pas lire facilement. Si, par exemple, une application de soins doit accéder à ces données, une adaptation de l'interface est nécessaire. Dans openEHR, par contre, l’archétype « pression artérielle » enregistre les valeurs de manière standardisée. Tout système prenant en charge la norme peut comprendre et utiliser les données. Un modèle définit la manière dont les valeurs doivent être affichées : le personnel soignant voit un diagramme clair, le médecin un tableau détaillé et un logiciel de recherche peut directement utiliser les données pour des analyses. Cette flexibilité repose sur un modèle à deux niveaux : la couche de données contenant les archétypes reste stable et uniforme, tandis que la couche d'application, qui comprend les modèles et les logiciels, peut être adaptée à volonté.
Les avantages d'openEHR
Les avantages d'openEHR pour les hôpitaux sont évidents :
- Interopérabilité : les données peuvent être échangées plus facilement entre les services et les hôpitaux. En Suisse, cela revêt une importance particulière de part la structure fédérale du pays. Les patients transférés d'un hôpital zurichois vers une clinique spécialisée dans le Tessin bénéficient d'un transfert fluide de leurs données.
- Flexibilité : les nouvelles exigences, telles que les champs de données supplémentaires ou les exigences légales, peuvent être mises en œuvre rapidement. Un hôpital peut par exemple collecter rapidement des données pour lutter contre une pandémie sans devoir attendre le fabricant.
- Indépendance vis-à-vis des fabricants : la norme ouverte libère les hôpitaux de leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs. Vous pouvez changer de SIH, connecter de nouveaux systèmes périphériques ou développer vos propres solutions sans avoir à vous soucier des formats propriétaires.
- Soutien à la recherche et à l'innovation : la structure uniforme des données facilite l'utilisation des technologies modernes telles que l'IA ou l'analyse Big Data. Un hôpital suisse pourrait, par exemple, participer à des projets de recherche internationaux ou développer de nouvelles méthodes de traitement.
Défis liés à la mise en place
Malgré les avantages offerts, il existe néanmoins des obstacles. La mise en place d'openEHR nécessite un investissement initial en temps, en argent et en savoir-faire. Les données existantes provenant d'anciens systèmes doivent être migrées, ce qui est techniquement complexe et nécessite beaucoup de ressources. Le personnel médical doit être formé pour utiliser efficacement cette nouvelle norme. La structure fédérale de la Suisse, avec sa diversité d'hôpitaux et de systèmes, complique l’uniformité de la mise en œuvre. De plus, en raison de sa structure en couches, le traitement des données dans openEHR peut être plus lent que dans les solutions SIH spécialisées.
Un pas vers l'avenir
Pour les hôpitaux suisses, openEHR pourrait briser les silos de données et poser les bases d'une informatique moderne et interconnectée. Il ne remplace pas le SIH, mais le complète en tant que base flexible permettant la coopération entre différents systèmes. La mise en réseau des données améliore la prise en charge des patients en permettant aux médecins et au personnel soignant d'accéder plus rapidement aux informations pertinentes. Les patients atteints de maladies chroniques ou nécessitant des traitements complexes bénéficient tout particulièrement d'une coordination fluide entre les différents établissements. Parallèlement, openEHR ouvre la voie à la recherche : les données standardisées permettent de mener des études qui peuvent déboucher sur des découvertes médicales et des traitements innovants.
Dans l'ensemble, openEHR est une solution prometteuse pour relever les défis de l’informatique hospitalière suisse. Il apporte interopérabilité, flexibilité et indépendance. Malgré les obstacles, il s'agit d'une étape décisive vers un avenir numérique et centré sur le patient. Avec la méthode LeanKIS, nous proposons une approche globale visant à augmenter la valeur ajoutée et à améliorer la qualité des soins, où la norme openEHR constitue une base solide pour atteindre ces objectifs.
Conclusion
openEHR offre une opportunité de taille aux hôpitaux suisses : les données deviennent interconnectées et flexibles. La norme est prometteuse, mais sa mise en œuvre nécessite un certain nombre de ressources et une planification de haut niveau.
Selon moi, la standardisation des données dans le secteur hospitalier suisse à l'aide d'openEHR permet non seulement de contrôler la qualité des traitements des patients et la satisfaction des employés, mais aussi d'accroître le potentiel d'efficacité et la valeur ajoutée économique dans l'ensemble des opérations hospitalières. Est-ce la voie à suivre pour assurer l’avenir numérique des hôpitaux ? Je pense que oui, accompagnée d’une bonne stratégie.
Dans la deuxième partie de cette série d’articles, je vous montrerai, à l'aide d'un exemple fictif, comment openEHR fonctionne dans la pratique et quels avantages concrets, la norme peut apporter à la Suisse.